
« À cœur ouvert » est une série d’entretiens explorant les parcours professionnels, les projets actuels et les prochaines étapes de ceux qui façonnent les plus grandes marques de luxe au monde.
Ces interviews adoptent une touche à la Proust, permettant aux lecteurs de découvrir les leaders de l’industrie sur un plan plus personnel. Cette édition met à l’honneur Filippo Arnaboldi, PDG de la maison italienne de linge de luxe Frette.
Dans cet échange, Monsieur Arnaboldi aborde l’importance des liens authentiques, les films inspirants de la réalisatrice Sofia Coppola, et le summum du luxe, un sommeil de qualité.
Voici le dialogue :
Quel a été votre tout premier emploi ? Qu’est-ce qu’il vous a appris ?
Mon tout premier emploi était dans une agence immobilière à Milan. Cette expérience m’a enseigné l’art de la vente — non pas au sens transactionnel, mais dans la création d’un lien émotionnel et à faire tomber le client amoureux de ce que je proposais.
Ce fut ma première immersion dans le monde du luxe, où vendre signifie raconter une histoire, instaurer la confiance et transmettre un sentiment d’appartenance plutôt que simplement conclure une affaire.
Quelles compétences ont été essentielles à votre réussite ? Les avez-vous acquises dans le cadre professionnel ou ailleurs ?
La compétence la plus importante a été la capacité à bâtir la confiance et des connexions humaines sincères. Comprendre les besoins d’un client et créer un climat de confiance est fondamental dans le luxe.
Ces aptitudes se sont affinées tout au long de ma carrière chez Frette, où l’héritage de la marque et une approche centrée sur le client m’ont offert un terrain propice pour vraiment les développer. Bien sûr, la vie hors du travail a aussi façonné ma capacité à me connecter aux gens, mais Frette a été l’endroit où j’ai pu les réunir et les mettre en pratique.
Quel est le meilleur conseil que vous ayez jamais reçu ?
Le meilleur conseil que j’ai reçu est d’être toujours soi-même. Dans un monde qui cherche souvent à vous modeler autrement, rester fidèle à ce que l’on est est le plus puissant atout que l’on puisse avoir.
L’authenticité est ce à quoi les gens se connectent réellement.
Comment votre domaine a-t-il évolué depuis vos débuts dans le luxe, et à quoi pensez-vous que votre industrie ressemblera dans dix ans ?
À mes débuts, le foyer était considéré comme un espace privé et intime.
Aujourd’hui, il est devenu une part centrale du mode de vie — un lieu pour recevoir, s’exprimer et refléter la personnalité. Cela a ouvert de nouvelles opportunités pour des marques comme Frette, qui peuvent maintenant étendre leur signature non seulement à la chambre, mais à toute la maison et même au-delà, jusqu’aux yachts et jets privés.
Dans dix ans, je crois que notre industrie sera encore plus marquée par la personnalisation. Nous devenons déjà de véritables « couturiers pour la maison », créant des environnements sur-mesure qui reflètent les goûts et les besoins uniques de chaque client.
Le futur du luxe sera celui de l’hyper-personnalisation, du souci du détail et de la création d’expériences significatives.
Quels projets récents ont ravivé votre passion pour le travail dans le luxe ?
Un des projets les plus inspirants a été notre collaboration avec la décoratrice d’intérieur britannique Tara Bernerd.
Nous nous sommes rencontrés par des amis communs et avons immédiatement découvert une passion commune pour le style et l’élégance. Cette synergie a donné naissance à un partenariat créatif dans lequel elle a apporté une perspective décorative et lifestyle renouvelée à Frette.
Aujourd’hui, elle a conçu une magnifique collection de coussins et plaids pour nous, avec d’autres projets passionnants en cours. Sans trop en dévoiler, je peux dire que cette collaboration nous a ouvert de nouvelles perspectives et j’attends avec impatience la suite.
Avec qui, dans n’importe quel domaine ou sphère, aimeriez-vous partager un long déjeuner, et où l’emmèneriez-vous ?
J’aimerais beaucoup déjeuner avec Sofia Coppola. J’admire son oeuvre de réalisatrice — provocante, unique et profondément élégante — et je la trouve fascinante en tant que personne évoluant avec aisance entre cinéma, mode et hôtellerie. Je l’ai rencontrée une fois par hasard à Los Angeles.
Je l’emmènerais au Palazzo Margherita, l’hôtel que sa famille possède en Italie. Frette a collaboré avec des hôtels de sa famille, tels que le Café Zoetrope et The All-Movie Hotel, et j’ai toujours été intrigué par sa démarche : elle filme dans un lieu puis le transforme en hôtel, mêlant vision cinématographique et hospitalité. Pour une de ses propriétés, nous avons même créé des draps en jacquard inspirés par une bobine de film — un exemple de comment le storytelling peut s’exprimer à travers les tissus.
Comment vous préparez-vous mentalement avant une réunion ou une présentation importante ?
Pour moi, la préparation rime avec clarté et honnêteté. J’essaie d’aborder chaque rencontre en étant transparent avec mes potentiels partenaires et en écoutant vraiment leurs besoins. Il ne s’agit pas d’imposer ce que Frette peut faire, mais de comprendre ce que nous pouvons apporter d’authentique et de précieux au partenariat.
Que faites-vous pendant votre temps libre pour vous détendre ou vous amuser ?
Je me plais à jardiner et à passer du temps avec mes amis. Ces activités me permettent de me déconnecter, d’être pleinement présent et de recharger mes batteries.
Que signifie le luxe pour vous ?
Pour moi, le luxe, c’est avoir le temps de savourer les plaisirs simples de la vie : lire un livre, prendre un moment pour soi et s’évader du tumulte quotidien. Ce n’est pas une question d’excès, mais de qualité et de sens dans la manière dont on consacre son temps.
Produit ou service/expérience, quelle est votre plus grande indulgence de luxe ?
Le sommeil. Et bien sûr, dormir dans des draps de luxe. Le repos, lorsqu’il est sublimé par l’artisanat et le confort, est l’un des plus grands plaisirs luxueux que l’on puisse s’offrir.