Les plus fortunés ont toujours eu un goût prononcé pour l’achat des belles choses de la vie. Mais pour les passionnés d’horlogerie, investir dans les montres n’a pas vraiment été lucratif ces dernières années. Selon Watch Charts, un suivi des tendances des prix et des ventes, la valeur des montres Jaeger-LeCoultre d’occasion a baissé de 12,1 % au cours des 12 derniers mois au moment de la rédaction. Le marché des Panerai a reculé de 9,1 %, tandis que celui d’Audemars Piguet a diminué de 3,3 %. Patek Philippe et Rolex font figure d’exception, avec une hausse respective de 2,7 % et 1,2 %.
Les prix des montres de seconde main ont atteint un pic en mars 2022. La richesse des plus aisés avait explosé pendant la pandémie grâce à un rallye mondial des marchés boursiers et à la flambée des prix immobiliers. Ils disposaient de plus de liquidités pour s’offrir des produits de luxe que jamais auparavant — en partie parce qu’ils dépensaient moins en vacances et expériences. Alors que la production de nouvelles montres ralentissait en raison de fermetures d’usines, les acheteurs se sont rués sur le marché secondaire.
Les prix ont commencé à se calmer avec l’incertitude économique et la hausse des taux d’intérêt freinant la consommation. Toutefois, ces six derniers mois, les prix ont montré des signes de stabilisation. Les niveaux actuels pourraient offrir aux investisseurs fortunés l’opportunité d’acquérir des pièces de valeur à un prix plus abordable — mais certains éléments sont à considérer avant d’acheter.

Considérez les montres comme une réserve de valeur
Pour commencer, comme pour tout investissement, les acheteurs doivent être conscients qu’ils ne verront pas nécessairement un retour sur investissement. Sergei Grechkin, directeur de la stratégie et du risque chez le gestionnaire de fonds d’investissement alternatif Cayros Capital, estime que les montres doivent être perçues comme des « objets de collection avant tout, et comme des investissements dans un second temps ». Seules certaines marques — notamment Patek Philippe et Rolex — ont un historique solide de maintien ou d’augmentation de leur valeur avec le temps, ajoute-t-il.
Paul Ferrara, conseiller principal en gestion de patrimoine chez le gestionnaire indépendant Avenue, explique que « l’intérêt pour les montres comme réserve de valeur à long terme est élevé, mais les montres sont très sensibles aux cycles de la demande ». Plusieurs facteurs déterminent si la valeur d’une montre peut augmenter, précise-t-il : sa rareté, son état et la dynamique de la marque. Le fait que les investisseurs doivent parfois attendre des années pour voir leur achat prendre de la valeur, si cela arrive, signifie que « le coût d’opportunité peut être élevé ».
Une stratégie d’investissement d’attente peut convenir aux investisseurs prêts à immobiliser leur capital pour une durée indéterminée. Cependant, les montres sont en fait des « actifs morts, car elles n’interagissent pas », souligne Lewis Crompton, fondateur de la plateforme éducative STARTrading. « Elles ne créent pas de richesse ; elles la conservent simplement et protègent contre l’inflation. Un bien immobilier, en revanche, s’il est bien acheté, est un actif vivant car il prend de la valeur et peut générer des revenus immédiats en étant loué. »
Il y a aussi la question de la liquidité. Le prix élevé des montres de luxe signifie qu’il n’y a généralement qu’un petit nombre d’acheteurs pouvant se les permettre. Plus la montre est rare, moins il y a d’acheteurs.

Exposition via les actions
Les investisseurs qui souhaitent une exposition plus liquide au marché des montres de luxe peuvent envisager d’acheter des actions de sociétés liées aux montres mécaniques. Cela inclut le détaillant londonien Watches of Switzerland, principal vendeur de Rolex au Royaume-Uni, ainsi que le fabricant suisse Richemont, propriétaire des marques Jaeger-LeCoultre et Panerai, entre autres.
Le cours de l’action Watches of Switzerland flirtait avec un plus bas sur cinq ans cet été, après avoir annoncé que les marges bénéficiaires pourraient être comprimées par les tarifs américains. Le titre a connu un léger rebond en septembre 2025 suite à une mise à jour rassurante indiquant que les ventes aux États-Unis avaient été « particulièrement bonnes » et qu’aucun « impact significatif » des tarifs n’était attendu pour les six mois se terminant en octobre. Néanmoins, le cours des actions de Watches of Switzerland reste environ 75 % en dessous de son pic pandémique.
Ferrara indique qu’« un cours déprimé peut ouvrir la porte à des gains à long terme si les marges s’améliorent ». Les investisseurs intéressés par des sociétés cotées en bourse comme Watches of Switzerland seraient avisés de suivre les rapports de résultats — publiés tous les trois ou six mois — et de rester attentifs aux actualités susceptibles d’influencer le cours.
Grechkin avance que « le niveau actuel est une bonne opportunité d’entrée pour les investisseurs à long terme » car le marché du luxe « a tendance à rebondir après les périodes calmes ». Par exemple, les données d’exportation suisses montrent que les ventes de montres de luxe ont repris en 2017 après deux années de baisse.
La décision d’acheter une action à son prix actuel dépend des objectifs d’investissement, de l’horizon temporel et du profil de risque de chacun. Acheter des parts dans une société que l’on pense performante sur 5 à 10 ans rapporte généralement, mais sans garantie.
Les investisseurs à faible tolérance au risque pourraient envisager des fonds négociés en bourse (ETF), qui suivent plusieurs sociétés et indices couvrant différents thèmes, industries et pays. Deux sont exclusivement orientés vers le marché du luxe : l’Amundi S&P Global Luxury UCITS ETF et le KraneShares Global Luxury Index ETF. Tous deux comprennent actuellement Richemont, mais pas Watches of Switzerland. Ces fonds « sont peut-être moins sexy, mais favorisent une croissance plus sereine et régulière dans le temps », selon Crompton.
L’importance d’un portefeuille diversifié
Les experts s’accordent à dire que montres et actions de luxe devraient faire partie d’un portefeuille d’investissements diversifié. Investir dans les actions de luxe offre une « exposition directe aux cycles économiques mondiaux et aux tendances de consommation », souligne Grechkin, et les investisseurs pourraient profiter d’une reprise du marché du luxe. En revanche, investir dans les montres peut aider à « maîtriser le risque » et stabiliser le portefeuille « en période de volatilité ».
Un portefeuille d’actions doit idéalement être revu et ajusté régulièrement. Les montres, en revanche, précise Crompton, « sont plus faciles à entretenir et demandent peu ou pas de travail ». Au final, ajoute-t-il, « la diversification est une forme de protection ».